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A l'occasion des 20 ans de L'Air de rien, lisez cet écho de lecture des 180 premiers numéros réalisé par l'APA :

En novembre 2003 sortait le premier numéro de cette chronique. L'occasion, aujourd'hui, de tirer le portrait de ce gros bébé de vingt ans. Grâce à l'écho-graphie de l'APA (1), une association qui collecte des textes autobiographiques (récits, correspondances, journaux intimes) que tout un chacun lui confie. Un fonds de plus de 4000 documents accessible au public aux Archives municipales d'Ambérieu-en-Bugey, près de Lyon. Les textes reçus sont d'abord lus en sympathie, selon un protocole précis, par un membre d'un groupe de lecture qui en établit un compte-rendu (un écho). Ayant déposé à l'APA l'intégralité de mes chroniques, Sylviane Pierrot, du groupe de lecture de Strasbourg, les a lues et en a rédigé l'écho dont L'air de rien de ce mois vous propose de longs extraits ICI ! 

 

 

Passage du temps

C'est après avoir commencé la lecture du numéro 89 de La Faute à Rousseau (1) ayant pour thème « l'APA et ses déposants » que l'idée m'est venue de déposer à l'APA l'intégralité de mes chroniques, comme un journal extime, pour reprendre l'expression inventée par Michel Tournier faisant le pendant avec un journal intime qui en serait l'exact opposé : un journal public, ou plus exactement un journal publié. Cela fait maintenant vingt ans que j'écris ces chroniques dans lesquelles je parle de moi, de ma vie, de mes souvenirs, du temps qui passe, de mes lectures (plus de 200 titres évoqués), des films et des spectacles que je suis allé voir.

 

Ça m'est venu un dimanche

Tout a commencé lorsque, fébrilement, j'ai appuyé sur la touche Entrée du clavier de mon ordinateur et que s'est diffusée, dans les mystérieux tuyaux de l'Internet, une première chronique commençant par ces mots : « Ça m'est venu un dimanche ». J'y développais la sensation que la vie me filait entre les doigts comme le sable. C'était en 2003. J'avais quitté, peu avant, ma région natale pour aller vivre au soleil. Écrire, un rêve intime jamais assouvi, devenait le moyen commode de garder le contact avec les ami.e.s et connaissances resté.e.s mille kilomètres plus au nord. La chronique présentait l'avantage de la forme courte, moins casse-gueule que la nouvelle ou le roman qui viendraient plus tard, lorsque mon écriture aurait pris plus d'assurance. Je signai cette première chronique du pseudonyme « Le citron papressé » ; une amie m'écrivit « Va jusqu'au bout et signe », ce que je fis dès le numéro 3. Depuis, vingt ans ont passé, la vie me file toujours entre les doigts et 175 chroniques ont été écrites...

 

Avec le temps, le processus s'est complexifié ; il mobilise désormais toute une équipe. Les destinataires de la chronique, diffusée par mail, se sont étoffés (80 au début, près de 500 aujourd'hui), ce qui m'a obligé à passer par un service d'envois groupés. Signe des temps, les envois postaux se limitent dorénavant à un seul destinataire, allergique à l'informatique. Outre ma femme Fabienne, première relectrice de tous mes textes, Odile s'est proposée de corriger mes trop nombreuses fautes de syntaxe et d'orthographe, erreurs de temps et de conjugaison, lourdeurs et autres approximations. L'ami Paul m'a suggéré d'héberger mes chroniques sur le site internet d'éducation populaire (2) qu'il avait développé. Jean, un autre ami, m'a proposé d'intégrer mes chroniques dans l'émission qu'il anime sur une radio associative (3).

 

L'air de rien

Commencée avec l'idée d'y parler du monde tel qu'il va, ou plutôt tel qu'il ne va pas, mes chroniques ont rapidement pris un tour autobiographique, ce qui m'a contraint, après quelque temps, à en modifier le titre. L'air du temps est devenu L'air de rien, ce qui n'engage pas à grand-chose... Avec le recul de ces 20 années, force est de constater, qu'en terme de contenu, l'intime y occupe la première place : 39 % des chroniques relatent expériences vécues, récits de rêves, souvenirs, images de soi, questions d'identité... ; 33 % parlent de livres lus, de films ou de spectacles vus ; 19 % sont des textes ayant une visée plus littéraire ; seuls 9 % traitent de sujets d'actualité ou d'enjeux de société.

 

Celui qu'on prend pour moi

Ces chroniques m'ont conforté dans ma démarche d'écriture. Les deux premières années, ce fut en présentant des textes écrits en ateliers d'écriture. Avant que ne s'y inscrive successivement chaque projet de livre. En octobre 2005, j'y présentai Le Fil, un texte retraçant l'enfance de mon père et la mienne (« Des souvenirs enfouis reviennent, remontent au jour comme des bulles d’air quittant la vase »). Texte que je déposai à l'APA dès que j'eus connaissance de cette association. Puis, ce fut la parution d'un recueil de quelques-unes des 50 premières chroniques (« J’ai rassemblé des extraits de mes chroniques qui tracent un chemin de vie, dessinent un être hybride, à la fois connu et inconnu »). Puis, je me suis décidé à travailler à temps partiel pour disposer de davantage de temps pour écrire. En avril 2009, je prenais mes lecteurs à témoin afin de m'obliger à mener à son terme le projet d'écrire un livre tentant de retracer la vie de mon grand-père maternel, abandonné enfant à l'Assistance publique (« Ce livre, si livre il y a, sera une sorte de journal de bord qui intègre et cumule mes recherches et mes trouvailles »). Cela m'occupa trois années avant que ne paraisse Le silence a le poids des larmes (4).

 

En 2017, sortait un abécédaire (5) regroupant des textes faisant le lien entre l'enfance d'auteurs et leur œuvre, textes qui avaient pour la plupart connu une première vie sous forme de chroniques. Une fois libéré du travail salarié, je me lançai dans un roman dont l'intrigue se déroule dans ma ville natale. Je fis un rendu humoristique de la promotion du livre dans la chronique de janvier 2020, loin de me douter que le Covid planait alors au-dessus de nos têtes et qu'il allait bientôt mettre le monde à l'arrêt.

 

A l'occasion des 20 ans de chroniques, et pour fêter cet anniversaire, sort un nouveau livre (7) ayant pour titre Celui qu'on prend pour moi. Il en regroupe une trentaine, au contenu plus spécifiquement autobiographique, publié chez L'Harmattan dans la prestigieuse collection « Graveurs de mémoire » avec une superbe couverture illustrée par mon ami d'enfance Pierre Willi (8).

 

Écrire, c'est envoyer des lettres

Je n'ai compris qu'il y a peu l'origine de mon écriture. Quand j'ai eu une douzaine d'années, mon frère était parti enseigner le français en Écosse. Faute de pouvoir discuter avec lui, je lui écrivais des lettres. Trente ans plus tard, peu après m'être installé à Montpellier, j'ai commencé à rédiger ces chroniques, que j'envoyais à mes ami.e.s et connaissances resté.e.s dans le nord de la France. C'est ce qui différencie ma pratique de celle d'un blog : même si je ne me les représente pas formellement quand j'écris, je sais que j'écris à des proches. Si pour Alain Souchon, « Chanter, c'est lancer des balles », pour moi, écrire c'est envoyer des lettres. C'est ainsi qu'en démarrant cette chronique, je suis passé, sans en avoir conscience, de l'intime à l'extime.

 

 

(1) L'Association pour le patrimoine autobiographique édite la revue La Faute à Rousseau n°89 – Février 2022

(2) Site de Paul Masson où sont hébergées mes chroniques : https://paulmasson.atimbli.net/spip.php?rubrique35

(3) Tumultes sur radio P.fm à Arras : https://www.radiopfm.com/webradio/radioshow/5

(4) L'Harmattan, 2012

(5) Un Fil rouge, L'Harmattan

(6) Les disparus du marché de Noël d'Arras, L'Harmattan, 2019

(7) L'Harmattan, 2023, 120 pages, 14 €. Commande possible chez votre libraire ou sur le site de L'Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-celui_qu_on_prend_pour_moi_un_autobiographe_dans_tous_ses_etats_christian_lejosne-9782140322105-76860.html

 

(8) Le blog de Pierre Willi : http://pierrewilli.eklablog.com/