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A l'occasion des 20 ans de L'Air de rien, lisez cet écho de lecture des 180 premiers numéros réalisé par l'APA :

En novembre 2003 sortait le premier numéro de cette chronique. L'occasion, aujourd'hui, de tirer le portrait de ce gros bébé de vingt ans. Grâce à l'écho-graphie de l'APA (1), une association qui collecte des textes autobiographiques (récits, correspondances, journaux intimes) que tout un chacun lui confie. Un fonds de plus de 4000 documents accessible au public aux Archives municipales d'Ambérieu-en-Bugey, près de Lyon. Les textes reçus sont d'abord lus en sympathie, selon un protocole précis, par un membre d'un groupe de lecture qui en établit un compte-rendu (un écho). Ayant déposé à l'APA l'intégralité de mes chroniques, Sylviane Pierrot, du groupe de lecture de Strasbourg, les a lues et en a rédigé l'écho dont L'air de rien de ce mois vous propose de longs extraits ICI ! 

 

 

Magali Brieussel

Lisez-moi !

 

Comme Obélix dans la potion magique, elle est tombée dans le chaudron de la lecture quand elle était petite. Car Magali Brieussel, qui vient de publier Lisez-moi ! (1) n'est pas seulement autrice, elle est aussi traductrice, libraire (spécialisée dans les livres de voyage). Elle a également travaillé pour différentes maisons d'édition. Bref, le monde des livres, elle le connaît sur le bout des doigts. Lisez-moi ! est d'ailleurs la suite logique d'un voyage de quatorze mois à travers le monde à la rencontre d'une soixantaine d'acteurs de la chaîne du livre.

 

Lisez-moi ! c'est l'histoire d'un carnet blanc qui passe de main en main. Cela pourrait être un livre de voyage car ce carnet blanc se déplace de pays en pays par différents moyens de transport comme dans la chanson de Prévert, à pied, à cheval, en voiture et en bateau à voile... On le retrouve même dans la gueule d'un chat ou traversant les airs dans le bec d'un mainate. Cela pourrait être un atlas géographique : on y découvre de nombreux pays, on saute d'un continent à l'autre, d'Afrique où l'on suffoque sous un soleil de poudre à l'Asie habitée par des bouddhas hilares et où l'on mange des nouilles dégoulinantes de sauce, en passant par l'Amérique latine et ses métropoles aux avenues larges comme des fleuves, longues comme des pelotes de laine dévidées, droites comme des équerres, plus encombrées qu'une pleine page de ratures. Cela pourrait être un livre de psychologie qui tenterait d'identifier les humains habitant le monde selon leurs comportements : colérique ou doux, aimable ou agressif, dominant ou soumis, yin ou yang. Ou bien encore un essai sur les livres et la lecture car il y est question d'une autrice, d'un imprimeur de beaux livres, d'éditeurs, d'un libraire et même de la grande bibliothèque d'Alexandrie où un dictionnaire tient des discours éloquents qui égrènent tour à tour les lettres de l'alphabet, comme ici à la lettre D : Dans une bibliothèque, divers livres sont disposés, dos à dos, sur des décamètres d'étagères, selon une discipline dictée par le désir d'élucider les devinettes dites par tout quidam.... On s'inquiète avec le carnet blanc lorsqu'il passe à deux doigts du pilon, cet horrible lieu où l'on détruit des livres neufs qui n'ont pas trouvé leurs lecteurs. Cela pourrait être enfin un recueil où les rêves les plus fous se réalisent, un monde où les livres parlent, où l'on vole d'un continent à l'autre sous les assauts du vent, où l'on rencontre Alice au pays des merveilles, où l'on trouve, sur une île déserte, les livres que l'on emporterait si l'on devait y rester jusqu'à la fin des jours, un monde dans lequel un simple carnet blanc devient, à force de persévérance, un vrai livre que l'on peut trouver sur les rayonnages des librairies.

 

Bel ouvrage que ce roman à la plume alerte (aurait-il été écrit avec une plume de mainate ?) et à la couverture blanche rappelant un certain carnet. En Amérique latine, le carnet blanc tombe entre les mains expertes d'un cartonero (2) qui grave au cutter sur sa couverture cartonnée Lisez-moi ! Avec un point d'exclamation.